Améliorer son expérience client : entre psychologie positive et technologie

Patrice Laubignat, fondateur de Eforbrands.com

On le lit dans des études qui nous surprennent encore, les émotions négatives font réagir plus vite et plus fort. Qu’il s’agisse d’un post sur Instagram ou d’un témoignage client suite à une expérience d’achat, partager sa colère ou sa déception, attire l’attention et même la compassion des autres membres d’une communauté. Ce n’est donc pas par hasard si les services client ont historiquement été créés pour répondre aux frustrations et aux incompréhensions des consommateurs, souvent en mal de réponses et toujours dans le besoin de le dire haut et fort. L’essor technologique qui a accompagné le développement de centres dédiés à l’écoute et à la prise en charge des mécontents, a fait passer le bureau des plaintes au statut de fournisseur majeur d’insights, autant pour le marketing que pour le service commercial. Bonne nouvelle ! Désormais, les appels ou les mails sont analysés, les parcours clients disséqués le plus finement possible et, in fine, l’expérience client s’améliore au fil des retours qu’elle suscite.

Tout irait bien dans le meilleur des mondes, si toutefois nous n’avions pas eu soudainement l’envie de recueillir, de mesurer et de comprendre les émotions positives que ressentent nos clients. Depuis que nous les aimons davantage, depuis que nous prenons soin d’eux, nous sommes avides de savoir si les consommateurs nous aiment en retour. Logique de l’engagement affectif chez l’être humain, qui préfère être inscrit dans une relation réciproque, au lieu de se sentir perdu dans un amour à sens unique. Ajoutons à la réflexion que la fidélité est au centre des préoccupations des services marketing et que son lien fort avec la perception positive d’une expérience est un acquis confirmé par les neurosciences. En effet, lorsqu’un humain vit une expérience positive son cerveau génère des marqueurs somatiques et des hormones qui lui indiquent instantanément qu’il y a pris du plaisir, et plus profondément dans sa mémoire, qu’il devrait recommencer. Sachant cela, le marketer moderne se met en chasse des émotions positives et tente de les collecter auprès de ses clients. Il construit le NPS (« Net Promoter Score »), qui permet de mesurer la volonté de partage positif d’une expérience et se trouve bientôt transformé en indicateur de performance de l’entreprise (et de la marque). 

 

Aujourd’hui le client est devenu le premier atout commercial d’une société 

Le client vend directement à d’autres, soit qu’il est un influenceur (au sens de la recommandation sponsorisée) auprès d’une communauté, soit qu’il a pris l’habitude de raconter ses expériences sur un média qu’il est devenu lui-même (blog, comptes sociaux, etc), soit tout simplement en recommandant à son cercle proche. Le bouche à oreille, ce très vieil outil du marketing, est responsable de plus de 50% de nos achats. Un fait d’autant plus remarquable que les seules personnes dignes de notre confiance de consommateur averti et attentif, sont nos proches, nos semblables. Pour autant, la technologie progresse et offre de nouveaux atouts à ceux qui souhaitent identifier et valoriser leurs « happy customers ». D’une part, on apprend à mesurer les émotions positives dans les conversations, dans les mails, sur les visages expressifs des clients, et d’autre part, les entreprises enrichissent leur CRM avec des scores de ressentis et d’expérience client, afin de prédire la fidélité et l’engagement via la capacité à recommander. 

Au-delà de ces constats, le service marketing a pour mission d’améliorer la vie, et il est donc indispensable de mesurer la valeur créée par l’expérience client. C’est en tout cas, ce que souhaitent les consommateurs lorsqu’ils expriment leurs attentes pour des marques plus engagées, plus responsables, plus attentives à leurs envies et à leur épanouissement. Les marques sont devenues des coachs de notre quotidien mais aussi des guides pour le futur. Mieux manger, mieux utiliser nos objets, mieux les recycler, les revendre ou les donner à d’autres, mieux vivre ensemble, toutes les raisons d’être que nous voyons fleurir depuis 2020, sont dirigées vers l’expérience et expriment un sentiment de bien-être. Ainsi les mesures de satisfaction ne peuvent plus être cantonnées au produit, ni même à son usage, mais doivent s’orienter vers la perception d’un changement positif dans le quotidien ou le futur du client. 

 

Comment la technologie contribue-t-elle à cette mise en œuvre d’une psychologie positive pour le client ?

Les progrès proviennent principalement de l’utilisation des données au service et pour le bien du client. Dans l’inquiétude générale à propos des fuites de données, il faut noter que le consommateur digital a toujours dit qu’il était prêt à confier des informations personnelles en échange d’une meilleure expérience client. Et c’est précisément là que se situe l’enjeu de communication pour toute entreprise recueillant et exploitant la data personnelle des clients. Expliquer pourquoi et comment une bonne utilisation est synonyme d’une meilleure expérience. On le vit en permanence avec Netflix par exemple. Le client ne voit aucun inconvénient à ce que Netflix scanne et analyse tous les contenus que nous regardons puisque nous savons que cela permet d’optimiser les programmes futurs et aussi de nous fournir d’excellentes recommandations pour nos prochaines soirées. Dès lors pourquoi ne pas personnaliser l’offre selon les goûts et préférences exprimées par le consonaute sur tous les sites e-commerce ? 

D’ailleurs l’utilisation de l’eye-tracking (qui permet de suivre le regard de l’internaute lors de sa consultation sur un site via son mobile ou son écran d’ordinateur) et aussi des analyses sémantiques via les chatbots qui le guident lors de son parcours, autorisent une qualification bien plus fine de l’expérience. Chaque seconde fait l’objet d’un examen par l’UX designer afin de comprendre si l’agrément, le plaisir sont au rendez-vous pour l’utilisateur. De la même manière, la géolocalisation et l’automatisation des messages (SMS ou messageries type Facebook, WhatApps) ont permis un bond en avant considérable dans la livraison et son suivi en temps réel. De même que nous savons exactement où se trouve notre chauffeur Uber, nous suivons la progression des colis étape par étape, jusqu’à notre porte. 

Le constat est évidemment positif pour les consommateurs ou les clients des entreprises : l’expérience client progresse et s’adapte à nos comportements, nos habitudes et même nos goûts grâce à la technologie et notamment un recours plus cohérent à la data. Mais parallèlement, nous devenons plus exigeants. Notre mémoire retient ce qu’il y a de mieux, au sens de plus plaisant pour nous et pour les autres, et nous signale tout manquement, tout retour en arrière comme une déception. Souligner les émotions positives nées dans l’expérience permet d’ancrer la marque ou l’entreprise et d’en faire une référence. Le challenge restant d’être au moins aussi performant à chaque nouvelle occasion, tout en se montrant à la hauteur de la confiance des clients, lorsqu’ils ont choisi de confier leurs données.